Le confinement intégral est-il une solution pour l’Afrique ? L’Afrique peut-elle s’adapter à ses exigences?
On sait que le confinement n’est fonctionnel que s’il est appliqué sur la durée. En Chine, il a fallu 3 mois, mais il pourrait durer plus de 6 mois dans certaines contrées, d’après les experts. On ne sait toujours pas, par contre, si un déconfinement après un confinement prolongé ne va pas entraîner une nouvelle vague de cas de Covid-19..
Est ce que nos pays africains peuvent adopter cette mesure? S'ils en ont les moyens, pourquoi pas?
Plusieurs pays développés ont opté pour le confinement intégral car ils ont les moyens et les réserves pour nourrir leur population pendant une longue période. Et dans ces pays, des mécanismes ont été mis en place pour compenser les pertes de revenus.
La plupart des pays africains n’en ont pas les moyens. Les petites et moyennes entreprises sont précaires. Dans les grandes villes africaines, les populations démunies vivent dans des quartiers surpeuplés et insalubres où il est très difficile d’imposer le confinement. On ne peut pas demander à des familles de rester toute la journée à l’intérieur d’une concession, de garder une distance d’un mètre quand elles vivent à plusieurs, en partageant un seul robinet et une toilette entre plusieurs voisins. On ne peut pas demander à des gens qui vivent aujourd’hui avec ce qu’ils ont gagné hier de ne plus sortir vaquer à leurs activités journalières, à moins de leur fournir gratuitement des vivres pour tenir toute la durée du confinement, en plus du montant du loyer, des soins médicaux, de l’électricité et de l’eau.
Un confinement dont la durée est incertaine, instauré par un gouvernement qui n’en a pas les moyens, est illusoire et peut révéler des conséquences plus graves que le Covid-19.
Ce qui risque de découler d’un confinement intégral dans nos pays sous-développés, c’est soit affamer les citoyens pour répondre à une crise sanitaire avec le risque d'émeutes incontrôlables, soit saigner l’Etat pour assurer la survie des citoyens sans qu'il ne puisse l'assurer globalement et dans la durée.
La dangerosité du coronavirus Sars-Cov-2 est certes réelle mais n'oublions pas qu'en Afrique, la population à risque est très limitée : seulement 3 % des Africains ont plus de 65 ans, contre 32 % en Europe.
Existe-t-il une autre stratégie sans le risque d’effondrement économique qu’entraînerait l’arrêt de toutes les activités, une stratégie où les populations ne seront pas exposées à la faim?
Notre réflexion a porté sur une stratégie que chaque Etat, n'ayant pas les moyens du confinement intégral, peut appliquer. Une stratégie de responsabilité partagée et solidaire. Plusieurs points composent cette stratégie:
- Continuer la sensibilisation à outrance sur les gestes barrières et la discipline collective par tous les canaux
- Responsabiliser chaque citoyen dans la stricte application des gestes barrières dans son environnement socio-professionnel et familial
- Laisser les gens travailler avec une réorganisation des services ou des commerces pour éviter les regroupements (s’il faut en service minimum ou des équipes qui se relaient) avec la protection par masques des employés, le lavage des mains au savon des employés et des clients, avec la distanciation, le nettoyage fréquent et la désinfection des lieux de travail et objets de contact.
- Assouplir la fréquentation des lieux de cultes sous conditions strictes de l’application rigoureuse des mesures (sous la responsabilité de l'autorité religieuse) telles la distanciation, le port de masque, l’individualisation des outils de prières, et le lavage au savon des mains avant l’entrée des lieux. En temps de psychose, ne pas négliger l'apport de la foi dans la sérénité collective et le pouvoir de sensibilisation de l'autorité religieuse.
- Limiter les moyens de transport en autorisant seulement ceux qui peuvent appliquer les conditions citées ci-dessus
- Réorganiser les marchés ouverts avec l’application stricte de la désinfection des lieux, la distanciation et le port des masques
- Interdire les regroupements dans un même lieu de plus de 20 personnes
- Une souplesse dans le couvre-feu, par exemple de 21H à 5H du matin, est mieux indiquée qu’une plus longue période restrictive sans plus de bénéfices.
- Obliger le port de masque à toute personne se trouvant dans un lieu public
- Procéder au dépistage maximal de la population et au suivi des personnes à risque
- Investir dans les équipements de protection du personnel médical, dans la disponibilité des traitements, dans les capacités de lits d’hospitalisation et de réanimation
- Limiter le confinement aux cas suspects et conseiller aux personnes vulnérables de garder domicile
- Limiter l’hospitalisation des cas positifs présentant des signes légers de Covid
- Dédier certains centres de soins au Covid-19 et les séparer des autres structures médicales qui doivent continuer à assurer la pratique médicale journalière.
- En cas de débordement des centres de soins du Covid-19, donner l’autorisation aux médecins privés de prescrire, si nécessaire, les tests et les traitements du protocole élaboré par le comité national de gestion de l’épidémie. Pour l’effectivité de ce dernier point, permettre aux laboratoires privés de s’équiper et pratiquer le test et aux pharmaciens de s’approvisionner et vendre sur ordonnance les médicaments indiqués dans le protocole.
En un mot, il est plus réaliste pour nos Etats s'ils ne peuvent assurer sur la durée la prise en charge globale d'une population confinée intégralement, d'investir:
- dans les équipements médicaux, les tests pour dépistage massif, la mobilisation du personnel médical et la disponibilité des médicaments
- dans la communication, la sensibilisation, la mise en place de nombreux numéros d'appels liés à des médecins généralistes ou spécialistes pour filtrer les cas sérieux et rassurer les autres
- dans le nettoyage et désinfection régulière des lieux publics
- dans la mobilisation des forces de l'ordre pour surveiller et contrôler l'application des mesures édictées dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.
L'Afrique ne peut se mettre dans un mimétisme irrationnel d'application de des mesures de lutte COVID-19 praticables dans les pays développés. Elle doit assumer ses responsabilités avec réalisme. Chaque citoyen doit être mis à contribution et assurer l'application des mesures de protection dans son environnement familial et professionnel.
Ne laissons pas la peur submerger notre bon sens et ne soyons pas, en pensant faire au mieux, responsables d’un cataclysme socio-économique sans précédent.