Histoire vraie. Un jour un virus apparaît. Il est résistant, pouvant persister plusieurs jours dans le milieu extérieur, surtout dans l'eau. Il est excrété non seulement dans les gouttelettes respiratoires mais aussi dans les selles et cela pendant des semaines. On le retrouve dans les eaux usées. Sa transmission, favorisée par la mauvaise hygiène de vie, se fait par un contact direct ou respiratoire avec un patient infecté et également par la consommation d’eau, d’aliments contaminés et de bains de rivière.
Cliniquement, l’infection passe inaperçue dans la plupart des cas (75%) mais elle peut se manifester par les signes suivants : fièvre, fatigue, maux de tête, vomissements, raideur, courbatures et douleurs dans les membres. La plupart des patients infectés se rétablissent. Dans un cas sur 200, le virus attaque le système nerveux, entraînant une paralysie irréversible. Parmi les personnes paralysées, entre 5 et 10 % meurent lorsque leurs muscles respiratoires se paralysent.
En 1789, un pédiatre londonien M. Underwood va décrire la maladie pour la 1ère fois. Dans les années 1800, les descriptions de la maladie venant de plusieurs pays sont de plus en plus nombreuses et plus précises. En 1840, J. Heine fut le premier à individualiser cliniquement la maladie. Le caractère épidémique va être mis en évidence par le chirurgien M. Cordier en 1888.
Par la suite, plusieurs épidémies sont décrites dans plusieurs pays. L’agent en cause n’a pas encore été mis en évidence. Les épidémies, de plus en plus fréquentes et de plus en plus sévères, touchent tous les continents.
La découverte de ce nouveau virus se précisa en 1908 quand K. Landsteiner et E. Popper parviennent à contaminer deux singes. A la même époque, S. Flexner, de l’institut Rockfeller à New-York, ville très touchée par la maladie, arrive à isoler le virus sur les prélèvements de patients infectés.
La première grande épidémie s’est produite aux États-Unis en 1916, quand la maladie a infecté 27 000 personnes et en a tué plus de 7000. La deuxième grande épidémie de cette maladie dans l’Amérique du XXe siècle s’est produite dans les années 1950. Il s’agissait alors de la première cause de handicap chez les enfants.
C'était le virus de la Poliomyélite.
La transmission par les voies aériennes et digestives est confirmée en 1940 après la découverte du virus dans les égouts.
En 1949, J. Enders, T. Weller et F. Robbins mirent au point des cultures cellulaires sur lesquelles ils réussirent à multiplier le virus de la poliomyélite.
Le 12 avril 1955, Mr Jonas Salk, de son nom complet Jonas Edward Salk, scientifique du 20ème siècle, né en 1914 à New York de parents immigrants juifs venus de Russie, annonce aux Etats-Unis et au monde entier qu’il a réussi à créer avec succès un vaccin contre la polio. Lorsque que le vaccin a été mis sur le marché au milieu des années 1950 aux Etats-Unis, M. Salk a connu une très forte médiatisation sur les TV et dans la presse écrite. Il a été considéré par la population comme un véritable héros autant aux Etats-Unis que dans le reste du monde. Mais Jonas Salk fut critiqué par la communauté scientifique qui ne croyait pas à la possibilité de créer un vaccin à partir d’un virus inactivé, thèse sur laquelle il basa ses travaux. Selon plusieurs scientifiques réputés de l’époque, la méthode de Jonas Salk était jugée inefficace et fantasque. C’est pourquoi il a mené une partie de ces recherches en secret.
L’avenir lui a donné raison vu que son vaccin s’est montré un des plus efficaces au monde.
Peu de temps après, le Dr Albert Sabin, un chercheur américain d’origine polonaise propose un vaccin contre la polio pouvant être administré par voie orale, rendant ainsi les procédures de vaccination plus faciles.
L’élimination de la poliomyélite du continent américain a été certifiée en 2000 et également en 2002 pour le continent européen. L’Asie du Sud Est a été certifiée exempte de poliomyélite en 2014.
Depuis 1988, plus de 2,5 milliards d’enfants ont été vaccinés et le nombre de cas a diminué de plus de 99 %. Aujourd’hui, grâce aux efforts mondiaux pour éradiquer la maladie, plus de 16 millions de personnes marchent, alors qu’elles auraient pu être paralysées par cette maladie. On estime à 1,5 million le nombre de décès d’enfants évités.
De nos jours, le virus persiste à l’état endémique dans 3 pays : l’Afghanistan, le Nigéria et le Pakistan. Tant qu’une seule personne reste infectée, selon l'OMS, 200 000 nouveaux cas pourraient réapparaître chaque année au cours des 10 ans à venir.
Cette histoire s'est passée il y a un siècle mais certains faits sont têtus:
- Les épidémies ont existé il y a fort longtemps et continuent d'exister.
- L‘hygiène de vie est toujours un facteur de santé et ses lacunes un vecteur de maladies
- Des scientifiques mettront toujours en doute d'autres grands scientifiques
- Une petite brèche dans les précautions d'usage peut impacter sur de grands efforts collectifs.